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Le défi du samedi
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29 septembre 2008

Cachet de la poste (ou équivalent) faisant foi :

Sont arrivés, par ordre chronologique, les défis de:

JOYE, RSYLVIE, TIPHAINE, MAP, JAQLIN, MARTINE27, POUPOUNE, AUDE, PANDORA, VAL, PAPISTACHE,TIBO,CARO CARITO, TILLEUL, JOE KRAPOV,THETIS,

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28 septembre 2008

Défis #29 & #30

Voili, voilou,

nous avons pensé, pour ce début octobre, à un défi en deux temps :

1ère semaine :
Quelque chose comme ça :

Emberlificotons le  héros d'un récit policier ou d'aventures (pas de fantastique ni de science-fiction)  dans une situation, la plus inextricable possible, que nous nous garderons absolument de dénouer.
a/ Ne faisons pas trop long, mais donnons quand même un peu de grain à moudre à notre suivant. Car suivant il y aura !

b/ Évitons également les univers trop personnels dans lesquels notre suivant pourrait avoir du mal à se glisser.

2e semaine :

En effet, la semaine qui suivra, un autre participant du défi sera chargé de terminer notre défi et nous... par voie de conséquence, nous aurons à charge de parachever le texte d'un camarade de jeu.

a/ Il nous faudra tenter de préserver l'ambiance initiée par le premier auteur.

Comment  ? :


Le premier joueur publié la semaine 1 poursuivra le texte de son suivant et ainsi de suite ; le dernier... pour ceux qui suivent... achèvera... le texte du premier.

Nous publierons un tableau récapitulatif pour clarifier qui fait quoi.


L'ordre d'arrivée dans la boite courrielle déterminera l'ordre de parution (comme d'hab. en fait !)

Est-ce que ça vous dit ?

Samedis 4 et 11 octobre


samedidefi@hotmail.fr

Pour les "espécialistes" des billets livrés à la bourre, nous postons tôt cette consigne.

Un aperçu de vos visites de samedi 27/09/2008

stats27

********************************************************************************

Ah ! Et nous aurions un petit service à vous demander.

Pour un prochain défi, qui portera sur le fantastique, nous aurions besoin que vous nous aidiez à préciser ce qu'est ce genre littéraire.

Mais, nous voudrions quelque chose de simple ( pas du style Wikipédia avec mille références que personne n'aura le temps de lire en si peu de temps) et pratique.

Parmi vous, certainement, plusieurs ont suivi des études de lettres. Éclairons-nous mutuellement.

Ne mettez pas votre réponse dans un commentaire, adressez-la à samedidefi@hotmail.fr, en précisant, dans l'objet de votre message : "définition fantastique" et nous ferons une jolie synthèse que nous utiliserons pour la consigne en question.


Nous savons qu'on peut aussi vous demander de décrocher la lune, mais pour l'instant, laissez-là en place. On verra plus tard !

Janeczka, Val & Papistache

27 septembre 2008

Nej ! Jeg ønsker ikke at tage en tabel i mig! (Tiphaine)


Quand le directeur du musée de Seebüll est venu jusqu’à moi avec son beau sourire dentifrice pour m’annoncer dans un français impeccable que j’avais le droit d’emporter un tableau, j’ai cru qu’il plaisantait tout d’abord.

Mais non…

Un reporter de DR1 filmait la scène avec enthousiasme, j’allais passer aux infos du soir, l’événement était de taille…

Emporter un tableau de mon peintre préféré, j’avais l’embarras du choix…

Mais non…

J’ai répondu dans un danois que je croyais impeccable, histoire de lui montrer mon agacement dans un langage que des milliers de téléspectateurs seraient en mesure de comprendre : « Nej ! Jeg ønsker ikke at tage en tabel i mig! ». Non, je ne veux pas emporter de tableau chez moi…

Ils m’ont regardée, désappointés. Ils se faisaient déjà une joie de ma joie, ils l’avaient imaginé, eux, le beau tableau que cela ferait, la petite française qui repart de la fondation Nolde avec une œuvre sous le bras…

J’ai refusé.

Je suis repartie, mais j’ai eu le temps de prendre ça :

nolde



La photo est chez moi.

Le tableau continue de s’offrir à tous les regards.

PS : Si vous passez à Paris au grand palais entre le 25 septembre 2008 et le 19 janvier 2009 ou si vous patientez un peu et allez à Montpellier au musée Fabre du 7 février au 24 mai 2009, vous aussi vous aurez le bonheur de rencontrer le frère et la sœur mais aussi l’enfant et l’oiseau, la vie du christ, le soleil des tropiques, la femme en hiver, les deux diables, les nuages d’été

27 septembre 2008

Le gros lot de la tombola - Joe Krapov


M. le Conservateur du Musée des Beaux Arts de Rennes

20, quai Emile Zola

35000 RENNES

 Rennes le 23 septembre 2008

 Cher Monsieur

 La dernière de vos géniales idées va sans doute me coûter très cher. Quelquefois ce qu’on nomme la chance n’en est pas vraiment une. Je n’aurais sans doute pas dû, je pense, à l’issue de ma récente visite dans votre établissement, garder par-devers moi le ticket d’entrée numéroté ni le remettre à ma secrétaire, mademoiselle Martine Vingt-Trois, afin qu’elle l’archivât avec mes autres notes de frais à destination de M. mon contrôleur des impôts. Je suis aux frais réels et donc très conservateur moi aussi.

 Je n’aurais surtout pas dû dire oui à Miss 23 quand elle m’a demandé de répondre positivement à votre courrier. Le n° de mon billet d’entrée avait été tiré au sort lors de la grande tombola annuelle de votre établissement et il m’était donc proposé le prêt pour trois mois d’une œuvre de votre musée à choisir dans vos collections.

 J’ai tout de suite pensé à ce merveilleux petit Picasso, la baigneuse de 1928 qui joue au ballon sur la plage de Dinard avec le même enthousiasme que Martine Vingt-Trois qui chantonne toujours, même quand elle va aux toilettes. Ma secrétaire était si emballée par votre courrier qu’on eût dit qu’elle-même avait gagné, au tirage du Catalogue des « Trois cuisses », en guise de cadeau-attirail, le vibromasseur de Madonna. Je l’ai un peu calmée puis l’ai diligentée vers vous afin qu’elle nous ramenât la volleyeuse de ce brave Picasso. Les tableaux de Pablo, c’est mon blot !

 Las ! Martine n’a jamais été ni très duraille en affaires, ni fute-fute en quoi que ce fut. Elle est un peu du même tonneau que l’architecte de la station de métro Sainte-Anne à Rennes qui a construit tout de guingois là-dessous sous prétexte qu’il est né à Traviole, en Italie ! Elle a donc accepté qu’en lieu et place du Picasso promis à une exposition New-Yorkaise vous lui prêtassiez le « Portrait d’Isaure Chassériau » peint en 1838 par Eugène Amaury-Duval, élève d’Ingres moins doué que son maître pour le violon à sanglots longs et les berceuses langoureuses à low tone de l’automne. Personnellement, étant plutôt versé dans la modernité, je déteste cette peinture figurative atone, monotone et autochtone. Ce tableau m’a paru relever du pire néo-classicisme tendance mou du bulbe ! Une horreur !

 J’ai donc fait la leçon à ma secrétaire et l’ai obligée, par punition, à garder le portrait de ladite donzelle dans son propre bureau. Elle en a été ravie, cette idiote ! A croire que cette fille n’a jamais rien gagné dans la vie qu’à être connue des dragueurs de shampouineuses rase-moquette de la foire du Trône ou des rois du tir au bouchon de la foire aux boudins de Mortagne-au-Perche ! J’étais bien loti, désormais : au lieu d’avoir une cruche à proximité, j’avais deux gourdes sous les yeux à chaque fois que je sortais de mon bureau ovale.

 La vie a continué son cours dans nos bureaux : les affaires sont les affaires et il faut toujours travailler plus si on veut gagner plus. Et puis voilà qu’à la fin de la semaine, un samedi, Martine Vingt-Trois est entrée affolée chez moi sans même frapper à la porte.

- Monsieur ! Monsieur ! Elle n’est plus là !

- Qui ça, mademoiselle Vingt-Trois ?

- Ben dame ! La fille Isaure ! La môme Chassériau, celle qui est en rose et qui a des couettes à la place de Picasso dans le Musée !

- Vous voulez dire qu’on vous a volé ce tableau que nous avions en dépôt ?

- Non, lui est toujours là. C’est la fille qui est peinte dessus qui est partie !

 J’allai constater de visu l’étrange phénomène qui s’était produit dans mon antichambre. Sur le tableau ne subsistaient plus, en effet, qu’un décor gris, des moulures, un rideau bleu, l’ovale du cadre. Le personnage féminin malingre et maladif semblait s’être fait la malle. C’était toujours ça de pris !

 J’aurais pu vous contacter dès ce moment, Monsieur le Conservateur, pour vous signaler le fait mais j’étais alors plongé en plein « mercato ». Les transferts de joueurs de football d’un club à l’autre, cela vaut une fortune maintenant et je m’étais piqué au jeu d’y mettre mon grain de sel. C’est moi qui paye, après tout, non ? On passe par plusieurs stades dans la vie et moi j’étais rendu à celui de propriétaire de stade. Je mets le paquet – et un tas de paquets même -là-dessus parce que j’aimerais bien que mon équipe soit championne de quelque chose d’autre que du milieu de tableau un jour.

 J’ai rassuré Martine 23 en lui affirmant que je ne la tenais pas pour responsable de ce tour de magie. Elle avait déjà pris un sermon quand elle m’avait ramené cette stupidité, je n’allais pas la moucher ou la doucher encore. Le petit personnel, si on le frotte trop souvent dans le sens inverse du poil, si on le savonne trop, il se rebiffe et se met à buller. J’ai passé l’éponge sur l’incident. Il fallait d’abord que je consolide ma défense sur la pelouse avant de repartir à l’attaque auprès de vous.

 Et puis le samedi suivant, nouveau coup de théâtre, Isaure Chassériau était de retour dans son tableau ! Seulement cette fois-ci elle était coiffée d’un chapeau de reporter américain. Du bandeau de tissu de ce couvre-chef dépassait un bout de carton sur lequel on pouvait lire « press ». Elle était encore plus ridicule ainsi qu’auparavant et la contemplation de cet objet saugrenu me fit découvrir pour le coup un sentiment que j’ignorais jusque là : la honte.

 Cela fait plus de deux mois maintenant que ce trafic insensé à lieu dans notre siège social. Isaure Chassériau disparaît le lundi et revient le samedi matin avec son chapeau à la con et un petit sourire en coin qui ne me plaît pas du tout. On dirait qu’elle se fout de ma gueule. Je n’aime pas qu’on se moque des milliardaires. Et encore moins quand le milliardaire c’est moi.

 Je ne vais évidemment pas pouvoir, Monsieur le Conservateur, vous rendre en l’état ce phénomène de foire. Encore que cela amuserait peut-être les enfants qui viennent visiter vos croûtes figuratives archaïques. Je vais donc vous acheter ce radis rose et vous offrir en prime, en dédommagement, un tableau que vous choisirez parmi mes toiles abstraites. Mes lignes de fuite ne sortent pas du cadre, mes traits de couleur ne coulent pas sur la moquette, mes taches d’acrylique sont garanties non amovibles. Mes biens ne se font pas la malle, mon Bacon ne part pas en omelette et mes Jocondes modernes ne se laissent pas pousser la moustache.

 Si ce marché ne vous agrée pas, je vous propose de racheter la totalité de votre boutique, le Picasso y compris et les murs du bâtiment itou. Je ferai démonter tout pierre par pierre, repeindre l’extérieur en jaune moutarde et installer l’ensemble sur le bord du Grand Canal à Venise. Tout plutôt que le scandale jaillissant sur mon nom à cause d’un ticket de tombola et d’une mijaurée qui se prend pour Albert Londres et me jette un regard de défi tous les samedis !

 Je vous remercie de garder cette proposition secrète le temps que nous effectuions les transactions nécessaires.

 Veuillez agréer, Cher Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées mais un poil énervées quand même. Je t’en foutrai, moi, de l’élève d’Ingres !

 Francis Carcopino, homme d’affaires et collectionneur d’art

P.S. Si vous voulez voir ce qu’est devenu votre tableau je vous joins une photo ci-dessous :

_D_fi

27 septembre 2008

C’est bien ma veine (Val)

Pff, la poisse, ce défi ! Une œuvre d’art ! Mais moi, je n’y connais rien en art. Quelle ignare ! Comment je vais faire ? J’me le demande !

Un musée… pff ! J’vais leur dire quoi, moi ? J’pourrais aller vite fait au musée de la mer, ou encore à celui des commerces d’autrefois. Non, j’laisse tomber !

.

Si encore Goldman avait accepté d’avoir une statue au musée Grévin, ça aurait fait mon affaire !

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J’vais tout de même pas dire que je veux la Joconde dans mon salon. Comme Steevy ! Ridicule ! La Joconde, chez moi, sur mes murs en plâtre même pas peints ni tapissés. Non mais franchement !

.

Si seulement j’avais pu choisir la statue de Goldman, j’l’aurais mise dans la chambre à coucher.

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 J’ai pas le souvenir d’avoir été frappée par une œuvre d’art. Vraiment frappée. Je me souviens que dans la salle d’espagnol, au lycée, il y avait ces affiches avec des reproductions de tableaux de Botero. Je les regardais tout le temps. Elles attiraient mon regard. Mais, je pense que c’est pour d’autres raisons. De là à en vouloir une pour moi…

.

Non, Goldman ça aurait été bien. Je l’aurais embrassé sur les lèvres chaque matin. Et peut-être même le soir, et la journée aussi.

A part lui j’vois pas ! Mince ! Mais, je sais, c’est pas une oeuvre d’art.

M’en fous !

.

On dirait que je faisais la queue au musée Grévin, et que j’aurais gagné à la tombola. On dirait qu’il avait changé d’avis et accepté cette foutue statue de cire ! Et on dirait que je repartais avec !

Et Manu aurait râlé ! Sûr !

Une statut de Goldman dans sa chambre ! Grandeur nature. Pas la peine d’y songer ! Il va péter un câble !

.

Mais bof, il dit souvent non au début, et puis j’arrive toujours à mes fins. Il ne sait rien me refuser.

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27 septembre 2008

La pie (Jaqlin)

Quand je passe quelques jours à Paris, si j’ai un peu de temps, j’aime beaucoup passer une après-midi au musée d’Orsay, musée pas trop grand mais avec des œuvres qui me parlent.

C’est justement ce que j’ai fait la semaine dernière et il m’est arrivé une aventure bien singulière ; lorsque j’ai pris mon billet, au guichet, on m’a annoncé que j’avais beaucoup de chance ; j’étais la …ème visiteuse et, à cette occasion j’avais gagné l’œuvre qui avait ma préférence. Revenue de ma surprise, je n’ai pas hésité longtemps ; il y bien sûr plus d’un tableau qui me plaît à Orsay, mais sans conteste, celui que j’aurais envie de rapporter chez moi, c’est "La Pie " de Claude Monet.

Petit tableau à l’air insignifiant, me direz-vous. Il date de 1868 et aurait vu le jour (en demi-teinte) à Etretat. Il n’a même pas été sélectionné pour le salon de 1869, ce qui n’a pas contribué à améliorer les finances (déjà désastreuses) du peintre.

Peut-être… mais j’aime les teintes tout en douceur, le calme feutré qu’il communique, les jeux de lumière et je connais un peu l’histoire de ce tableau qui est lié à une période un peu difficile de la vie de Monet et je reste toujours très impressionnée par ce courant de peinture (oui, je sais, l’allusion est facile !)

lapie

"La pie"
 1869
89 x 130 cm - Huile sur toile
Musée d'Orsay, Paris

27 septembre 2008

Gigoletto - Caro_Carito

Tragi-comédie en une scène

Et plusieurs répétitions…

 

Gigoletto est parti. Il a jeté son sac de sport griffé Lacoste sur son épaule et a fermé la porte sur nos quelques semaines de vie commune. Non sans une certaine élégance.

Depuis ce dimanche d’abandon, la semaine a déroulé son ennui pluvieux. De pseudo-obligations en sorties mondaines, son prénom s’est effacé. Quant à son nom, l’avais jamais connu ? Ses traits s’estompent dans un halo de boucles dorées et dociles. Y perdre ma main était un jeu savoureux. De ces souvenirs sans esclandres - ce jeune garçon n’avait pas eu le mauvais goût de me faire une scène de boulevard ou de m’accuser de l’avoir abusé – ne me reste en bouche qu’un léger souffle d’amertume.

Matinée dominicale oisive. De ma terrasse, j’admire les flots de zinc qui s’étalent. Le disque pâle étouffe le dôme du Sacré Cœur d’une clarté éblouissante. J’entends vaguement les bruits de la rue Taitbout tandis que je sirote un café solitaire. Le bouquet acheté hier se creuse déjà sous le poids de la fatigue et des lourds roses. Un pétale se pose sur ma main. Rosé et tendre, il me caresse. Il est piqué de quelques marques. Comme sa peau lisse d’éphèbe éclaboussée de taches de rousseur. J’aimais effleurer son visage de mes lèvres, croquer les siennes, juteuses et gémissantes. Ma main aux fines ridules a froid malgré la chaleur de la porcelaine et des rayons de soleil. Dépouillée des ses bijoux, elle semble bien inutile. A peine quelques jours auparavant et elle musait, mutine, sur sa chair drue, taquinant un sexe tendu et malhabile. Ses caresses étaient pleines de fougue et de rires. Il avait, les premiers temps, gardé cette innocence de la jeunesse, comme s’il s’excusait de devoir encore apprendre. Bien vite pourtant, alors qu’il ne se croyait pas observé, un éclat de haine avait traversé ses yeux. J’avais alors deviné qu’il allait me quitter. La douceur et les présents ne pouvaient éclipser bien longtemps la fierté de se savoir posséder et, qui sait, le désir d’un sentiment plus fort. A vingt ans, on ne peut pas savoir que la tendresse a une saveur hors de prix.

Assez. Il est temps pour moi d’aller traîner mon vague-à-l’âme au Louvre. Je me lève et repousse la chaise. Les touristes ont déserté la capitale, les parisiens préférerons se presser sur les terrasses des cafés. Ou s’accommoderont des chaises métalliques du Luxembourg, avides des derniers feux de l’été. Oui, une visite au musée. Je prendrai ensuite un thé et un gâteau avant de rentrer dans mon salon déserté.

 

Face au tracé de mon Maître, Jean Auguste Dominque Ingres, je sens monter en moi une larme intempestive. Heureusement, une voix rompt le brouhaha ces curieux et annonce un n° dans les haut-parleurs. 3948 a gagné ! Une œuvre, n’importe quelle œuvre. Quel jeu stupide. Même la Joconde ? En un réflexe machinal, je tire le ticket d’entrée de ma poche. 3948 se détachait sur la mort de Sardanapale en arrière plan-glacé. Je lève ma main. Des officiels arrivent. Une foule pressante se colle à moi. J’aurais pu toucher cette excitation bruyante, les paris fusent, tous s’exclament, s’interrogent…

Tout se précipite alors très vite, je marche lentement à côté de M. le Conservateur et lui désigne un coin retiré de la salle des statues. La masse grogne, montre les dents et se disperse. M. le Conservateur semble soulagé. Nous passons dans ses bureaux pour que je lui laisse mes coordonnés et puisse signer quelques papiers.

 

Le colis arrive en fin de semaine. Je le déballe avec précaution. La statue apparait dans toute sa grâce. Je tourne autour, médusée, en admiration devant sa pureté antique. Je pose mes mains sur elle, j’exulte d’une joie d’enfant. Je la pose avec soin sur le socle que je lui ai réservé. Je m’accroupis soudain et frotte lentement ma joue sur ses fesses parfaites. Et je les revois tous, déambulant au saut du lit alors que je repose ensommeillée. Gigoletto I, Gigoletto II, III, les doués, les tendres, les éphémères, les cupides. Je laisse un chaste baiser en hommage à leur souvenir sur le fessier de terre cuite.

Désormais, je vais pouvoir jauger les doublures à venir à l’aune de la perfection.

colis

27 septembre 2008

Poup'-Art aux journées du patrimoine - Sebarjo

 

Monsieur Paul Art Barok, jeune homme d'une quarantaine d'années, engoncé dans un canapé au fond trop moëlleux – de ceux qui vous mettent les genoux au niveau des oreilles - sirotait tranquillement un thé à la bergamotte dans le salon douillet de sa vieille tante Mrs Robinson. Cette dernière était entourée de sa cour vieillissante, composée de sa veuve de belle-soeur de 83 ans, de sa cousine de 85 ans toujours flanquée de son mari, le cadet de 78 ans. Il était presque 16 heures 30 et l'on n'y manquait jamais la traditionnelle Tea time, même si la sortie de table venait de se faire... Le café avait encore une fois été oublié au grand dam de Paul Art. Car Monsieur Barok était plutôt caféine que théine, à tel point que ces meilleurs amis le surnommait le Père Colateur... Malgré tout, il s'était habitué au rituel de sa vieille famille... A la guerre comme à la guerre ! Et puis ce n'était qu'un week-end tous les deux ou trois mois...

 

Paul Art était plongé dans ses pensées, se laissant envahir par les sons du silence, lorsque par-dessus un flot de paroles, il entendit ces bouts de phrases : .... journées ...moines... Jocelyn...

Aux regards de tous les membres de l'assemblée qui divergeaient vers lui, il comprit, comme réveillé en sursaut, qu'on s'adressait à lui...

 

Il ne put que répondre ces bredouillements :

 

- Le moine Jocelyn ??? Ah... un nouveau chartreux dans le diocèse, chère tante ... ???

 

- Mon cher Paul Art, vous rêvez ! Encore plongé dans vos délires de polars ! M'enfin vous vous prenez toujours pour Hercule Poirot ? Cela ne vous a pas passé depuis vos piètres années d'études au collège ? Sept, si j'ai bonne mémoire... Non mon cher neveu, il n'est nullement question de moine Jocelyn ou Cafdael. Je vous disais simplement que cela me ferait un immense plaisir que vous daignâtes nous accompagner au Musée de poupées, situé dans les vestiges du château de Josselin, comme toute personne cultivée le sait. Car comme vous ne pouvez l'ignorer, ce week-end ont lieu les journées du patrimoine... Et à cette occasion, le musée qui nous intéresse, présente au public la totalité de ses collections ! Soit environ mille spécimens, tous uniques en leur genre ! Je vous rassure, il y en a pour tous les goûts mon cher Paul Art : faïence, porcelaine, laine, cire, son, coquillages, crustacés...

 

- Et la plage ensoleillée, c'est pour après ???

 

- Allons, allons, il n'est plus temps de plaisanter ! Prenez votre veste de tweed et empressons-nous de partir. Vous allez nous mettre en retard ! Vous n'avez même pas encore touché à votre thé. Il vous manque peut-être votre nuage de lait ?

 

Et patatati et patata...

 

Avant la fin de tout ce radotage, notre Paul Art eût le temps de terminer son thé et d'enfiler sa veste de tweed. Une demi-heure plus tard, soit environ vers 17 heures, ils furent tous installés plus ou moins confortablement dans la voiture de sa tante, une antique DS quasi-authentique. Pour être honnête, il s'agit plutôt d'un bas de gamme qui fait mal au do... Un ersatz. Une ID, qui est en fait bien loin de l'idée qu'on se fait d'une déesse...

 

Tout ce petit équipage avait réussi à se caser dans la vieille automobile aérodynamique et aux fameuses suspensions hydrauliques. Un sacré tangage ! Au volant comme capitaine au long court, se trouvait le mari de la cousine de sa tante, le moteur personnel un peu trop imbibé de sherry... et à ses côtés, à la fameuse place du mort, la belle-soeur de sa tante, déjà veuve rappelons-le... Coincé entre sa vieille tante et sa cousine, Monsieur Barok était lourdement écrasé de gauche comme de droite – il se dit alors que ce ne devait pas être facile tous les jours d'être centriste... Il se sentait comme pris dans un étau qui avait le désagréable désavantage de causer... Il comprit alors le sens profond des expressions Aller de l'avant et être sur ses arrières...

 

Sa tante se délectait à l'avance de la visite qu'ils allaient faire. Et elle en profita pour étaler ses goûts artistiques et toute sa confiture pseudo-culturelle... un véritable coulis d'airelles ! Si on ajoute à cela le roulis imprimé par la caisse quinquagénaire, Paul Art était sacrément bien bercé. Cependant, des bribes de dialogue, attrapées au vol par ces oreilles mal embouchées, le sortirent de sa demi-torpeur... :

 

(Sa tante ) : « .... L'année passée j'ai visité le musée du Velours, formidable ! Croyez-moi c'est quand même autre chose que tous ces Louvres et compagnie ! » A voir absolument, si vous ne le connaissez pas, ma chère cousine ! »

 

Il ne pût s'empêcher de se mêler à la conversation, au bord de l'effarement :

« Ah oui oui, c'est vrai. Tenez, moi je me souviens avoir visité aux Pavillons-sous-bois, un merveilleux et charmant petit établissement, le musée des Drapeaux. Magnifique ! Là c'est sûr, c'est autre chose que leur Prado et autres dépotoirs de l'art ! »

Ce qui ma foi, relança bien la discussion entre la tante et sa cousine... et replongea Paul Art dans son hypnose illusoire.

 

On approchait du but. Paul Art Barok pensa que peu de monde viendrait visiter un tel musée. Des poupées ??? Qui cela peut-il bien intéresser ? Sa tante... mais à part ça ? Ca serait toujours ça de gagné, parce que, c'est bien joli les journées du patrimoine, mais en général, on passe plus de temps en attente qu'en visite !

 

La voiture freina et s'arrêta sans se déglinguer.

 

Quel naïf ce Paul Art ! Il y avait un monde fou ! On se serait cru aux fameuses Ballades avec Georges Brassens qui avaient eu lieu la semaine dernière à Rennes ! Il y avait parmi tout ce beau monde, un bel échantillonnage de représentantes des 3 et 4ème âge, ajoutez à cela, une sacré marmaille : des dizaines de rangs d'oignons de petites filles modèles ! Mais finalement, pensa Paul Art, cette foule c'est une aubaine...

 

- Mince alors ! On ne pourra jamais rentrer avant la fermeture avec tous ces gens ! On n'a plus qu'à s'en retourner, maugréa-t-il, faussement déçu.

- Ne soyez pas si triste mon cher neveu, lui répondit sa tante, il y en a qui viennent simplement voir ce qui reste du château... Et ne vous tourmentez pas, à l'occasion de ces fabuleuses journées du patrimoine, le Musée de poupées a eu la bonne idée d'organiser une nocturne. Le musée sera ouvert jusqu'à 23 heures ! Alors vous voyez bien, il n'y a aucune raison de s'inquiéter.

 

En un jour pareil, l'entrée était gratuite. Mais il fallait quand même faire la queue pour prendre son ticket. Ce qu'ils firent pendant près d'une heure. Ensuite, on les conduisit dans une petite salle nommée Salon Polnareff. Cela ressemblait plutôt à une salle d'attente de cabinet dentaire, le samedi matin... mais en pire, car ici on vous infligeait en boucle - ô divine musique d'ambiance – le refrain de La Poupée qui fait non... C'était terrible ! Enfin, ils s'en sortaient déjà pas si mal car, à côté, il y avait deux autres salons : Le Salon France Gall (en écoute Poupée de cire...) et le nec plus ultra, le Salon Bernard Menez où défilait inlassablement cette inoubliable romance, Jolie poupée...

 

Trois quart d'heure plus tard - il commençait à se faire tard - et Paul Art avait quelques centaines de fourmis dans les jambes. C'est alors qu' un guide vint enfin les chercher :

 

-Mesdames et messieurs, si vous voulez bien me suivre...

 

Avec cette chanson qui défilait en écho dans sa tête, Paul Art avait envie de répondre Non non, non non non non...

Il se ravisa et suivit sa petite smala. Devant les vitrines exhibant des centaines de poupées, il se fit tout petit... Ca changeait un peu de registre ! Ca commençait fort avec la première salle, consacrée aux poupées de coquillages... berniques, moules, palourdes, coques, praires, amandes, bigorneaux, pétoncles... tout un inventaire digne d'un conchyliophile s'étalait dans un enchevêtrement baroque devant les yeux ahuris de Paul Art Barok. Et, Il y avait au total huit salles ! Nous voilà propres, pensait-il...

 

Il était 22 h 30 lorsqu'ils sortirent enfin de l'ultime pièce du musée, la Salle des faïences ! Ouf nous allons enfin pouvoir rentrer, lâcha Paul Art, si heureux d'en finir avec ce supplice, qu'il ne se rendît même pas compte qu'il parlait tout haut. C'est alors qu'une voix microphonée fit l'annonce suivante :

 

- Mesdames et messieurs, il est l'heure à présent de vous donner le résultat de notre loterie surprise... L'un d'entre vous aura la chance de repartir avec la poupée de son choix si son numéro de ticket est tiré au sort.

 

- Vous allez voir que ça va tomber sur moi chère tante, lança goguenard Paul Art.

 

- Le Ticket gagnant est le... ... ... 12322 !

 

- Non, mon cher neveu, c'est moi ! cria en pleurant de joie sa tante. Vous aviez le ticket 12321! Pour une fois le palindrome ne vous a pas porté chance !

 

Elle fut accueillie sur une estrade et applaudie par une foule jalouse, médusée et même parfois à musée... Elle choisit alors une poupée en porcelaine, un clown aux cheveux carotte et ébouriffés.

 

L'animateur en la circonstance lui demanda pourquoi ce choix un peu surprenant. Il pensait qu'elle aurait plutôt élu une ravissante marquise en porcelaine. Elle s'empressa de répondre :

 

- Parce que cette poupée clownesque est à l'image de mon neveu. Et je voudrais, pour le remercier de m'avoir accompagné jusqu'ici, la lui offrir...

 

Un tonnerre d'applaudissements retentit pour acclamer ce si beau geste. On aurait pu se croire à la Nuit des Césars...

 

- Il est où ce jeune homme bien chanceux ? reprit l'animateur.

 

- Là, entre ma cousine et son indécrottable mari, et à côté de mon ex-belle soeur, veuve de surcroît...

 

Et Paul Art fut poussée sur le devant de la scène par la cousine de sa tante et la foule en délire... Le cauchemar se poursuivait...

 

 

 

EPILOGUE

 

Minuit trente, chez Paul Art.

 

- Mon cher neveu, voyez comme cette poupée est ravissante sur ce guéridon ! Cela finit d'habiller votre salon, s'enthousiasma la tante de Paul Art.

- C'est trop ma tante, gardez-la donc, je ne peux pas accepter... une telle oeuvre, d'une telle valeur ! (Il avait vu la veille, la même poupée en vente sur un stand de la Braderie du Canal Saint-Martin, 5 euros à débattre !)

- Allons, allons, cela me fait plaisir. Et puis comme ça vous penserez à moi et je serai si heureuse de la retrouver chez vous quand je passerai à l'improviste. Elle me donnera envie de venir plus souvent chez vous... Tenez, c'est décidé, je passerai chaque semaine pour l'admirer...

 

Et c'est cette nuit-là que Paul Art Barok décida de faire un tour du monde en 80 ans... au moins !

 

 

 

27 septembre 2008

Défi de Berthoise

Au Musée des Beaux-Arts de Lyon, je voulais revoir les tableaux de fleurs de 19 siècle.

A cause du commerce de la soie, Lyon avait privilégié les artistes qui donnaient dans les motifs floraux, car ils étaient repris dans les ateliers d'impression.

Je suis retournée sur la Place des Terreaux, je suis passée sous le porche . Mon amie qui connait toujours quelqu'un, avait prévenu et je devais me présenter aux caisses de la part de Mickey. On me donna un billet gratuit et je commençais mon exploration. A l'envers, ou à contre-sens, enfin je commençais par la période contemporaine et remontais le temps.

Je parcourus quelques salles pour arriver enfin devant le tableau que je voulais revoir.

Il était bien tel qu'il s'était fixé dans ma mémoire.

Grand, clair, avec ces femmes mêlées aux fleurs. Dans cette salle, il y avait une toile que je ne me rappelais pas avoir vu là. Aussi, quand on m'annonça que grâce à ce billet que je n'avais pas payé et qui était toutefois numéroté, j'avais gagné le droit de partir avec l'œuvre de mon choix, je n'ai pas hésité.

Je veux celui-là, les amants heureux de Courbet, que je pourrai renommer les amants comblés. C'est celui-là que je veux.

Pour le cou blanc et gras de la femme, pour sa pose alanguie, ses paupières mi-closes et l'esquisse de son sourire.

Pour les pommettes rosées de l'homme, ses cheveux en bataille, son épaule solide.

Pour les mains qui s'étreignent.

Pour leur contentement tangible, et leur quiétude devant un ciel plombé.

Voilà pourquoi à la tombola du Musée des Beaux-Arts de Lyon, j'ai choisi cette toile.

J'aime l'amour qu'elle évoque.

 

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27 septembre 2008

Pré-histoire (Pandora)


Il a d’abord pris peur quand la sonnerie s’est déclenchée lors du passage dans le portique de sécurité. Il a pourtant bien acheté son billet, payé avec du vrai argent, au tarif étudiant justifié par une vraie carte d’étudiant. Pas un de ces trucs plastifiés qu’on se fabrique tout seul en bidouillant sur son ordinateur, une véritable carte pour le thésard en maths qu’il est. Et la fréquentation des musées n’est pas réservée aux seuls étudiants en beaux arts tout de même… Alors quand tout ce monde s’est précipité vers lui lors du déchainement de décibels, il s’est franchement demandé ce qui lui arrivait. Puis un homme à lunettes en costume sombre, avec une belle cravate rouge ornée de petites statuettes s’est approché de lui en lui tendant la main :

- Félicitations Cher Monsieur, votre numéro de billet a été tiré au sort au grand jeu des musées de France.

Venant de l’entrée, le photographe officiel du musée se précipite pour immortaliser la poignée de main célébrant l’instant et fait crépiter son flash, figeant le jeune homme dans une pause d’éberlué au visage lunaire qu’il n’est pourtant pas à l’abri des murs de son laboratoire.

La caissière qui a reconnu en ce jeune homme intimidé l’habitué des dimanches matins de renchérir :

- Et il le mérite Monsieur le Directeur, il vient tous les dimanches !

- Nous avons en plus un amateur de culture. Le sort n’a pas été aveugle cette fois. Monsieur, vous êtes le grand gagnant, bravo.

Et tout le monde autour de se mettre à applaudir ce drôle de jeune homme en duffle coat.

- … Merci beaucoup. Je ne m’attendais vraiment pas à cela.

- … ? Soulèvement de sourcils interrogatif du directeur.

- … ? Haussement d’épaule interrogatif du petit étudiant.

- Mais vous ne voulez pas savoir ce que vous avez gagné ?

- Si bien sûr. Excusez-moi. C’est à dire que je ne m’y attendais pas…

- Vous avez gagné l’œuvre d’art de votre choix dans ce musée.

Il peine à intégrer vraiment ce qu’il entend mais ce qui ce sont les grands cris dans le public qui le font réaliser. Public qui dans l’intervalle a grossi de façon exponentielle, attiré comme les papillons par la lumière des flashs mais aussi et surtout bloqué par le petit cordon d’étranglement au portique.

- Vous voulez dire que je peux choisir ce que je veux ? Comme dans un supermarché ?

- Oui, on peut formuler ça comme cela. Je vais vous accompagner dans les allées du musée, et vous allez regarder tranquillement toutes les œuvres. Et je vous fournirai les explications que vous souhaitez pour que vous puissiez choisir.

- C’est à dire que dans ce cas je sais ce que je veux.

Et le petit étudiant de rougir de confusion

- Vous avez déjà décidé de l’œuvre d’art que vous allez choisir ? En 30 petites secondes ?

- Oui. C’est pour cette elle que je viens chaque dimanche. Je reste des heures à la regarder. A contempler ses formes généreuses, son port de reine, ses traits si délicats. C’est un tel chef d’œuvre…

- Oh, laissez-moi deviner… C’est une statue de l’aile romaine, non ?

- Non p…

- Un tableau de l’aile renaissance ?

- Non Monsi…

- Pas de la période romaine ni de la période renaissance, vous m’intriguez… Où est donc cette œuvre ?

- Dans l’aile préhistorique.

- Ne me dites pas que vous voulez notre Vénus ?

- Non, je vous parle de Justine (c’est le prénom qu’il y a marqué sur son badge), la gardienne. Je crois que je suis amoureux, et mon œuvre d’art préférée, c’est elle. Je la prends sans aucune hésitation !

27 septembre 2008

The Frame (Aude)

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27 septembre 2008

L’envers et l’endroit (Kloelle)

On aurait dit le bruissement de quelques pas pressés sur les feuilles mortes de l’allée ou le froissement incessant des pages blanches d’un écrivain en mal d’inspiration. En pleine nuit. Je me suis retournée dans mon lit, blottie fébrilement dans l’abri de chaleur qu’offraient mes couvertures. Le bruit n’était pas désagréable, juste inquiétant. Inquiétant comme cet homme au regard pénétrant qui m’avait suivie tout à l’heure, au musée.

- Ils disent que les œuvres appartiennent à tout le monde, c’est faux vous savez. Tous ces tableaux sont en attente, sur le départ, prêts à suivre le regard ou l’âme qui leur renverra l’image juste, la réplique de ce qu’ils sont.

J’avais laissé partir sa silhouette déformée sans lui répondre et elle s’était évanouie dans le petit salon des œuvres alpestres.

Je respirais rapidement. J’étais seule. Le bruit avait cessé. La fin d’un mauvais cauchemar sans doute. Je me suis levée, j’ai ouvert la porte du salon et elles étaient là, devant moi, terribles et pénétrantes, reflet inouï de ce que je suis.


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Le Bœuf écorché de Soutine,                       l'Idylle de Picabia.

27 septembre 2008

Non d’un chat, que ce défi 28 est difficile ou… entrevue suite et fin - rsylvie

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Les pupilles dilatées pour mieux s’accoutumer à la pénombre,

il regarde la divine créature langoureusement assise sur le sol.

Intrigué, il n’attend pas de se faire prier pour entrer.

A pas feutrés, il avance. Doucement pour ne pas l’effrayer, il progresse vers elle.

Quand soudain, Il lui semble que quelque chose ne va pas.

Les lumières tamisées, l’ambiance de la pièce….son instinct de chasseur ne peut le tromper,

il s’est laissé distraire par les artifices de couleurs.

Il n’en croit pas ses yeux.

Tout autour de lui ce n’est que tutus.

Des dizaines de ballerines reposent dans des positions plus qu’équivoques.

A qui fera un grand écart le plus maintenu, la pirouette la plus rapide, la révérence la plus gracieuse, les pointes les plus fines….

Cela grouille de petits rats. Il en arrive de partout,

Dans toutes les directions, qu’il en perd l’orientation.

Et de se retrouver moustaches dans plumes bleues et roses,
à rêver à je ne sais qu’elle histoire de « la belle et la bête ».
Loin de paraître déplacé dans ce musée de ballerines,
il saute d’entre-chats en pirouettes félines…
 et c’est alors que la magie opéra.
Félix est sur scène.
Le rideau s’ouvre.
La grâce de ses arabesques fait l’admiration de tous.
Depuis quand avait-on vu pareil ballet.
Un félin au pays des petits rats ?

-« … monsieur vous allez bien ?
Tirez la langue ?
monsieur ouvrez les yeux » !
quoi encore!! le jeu du chat et la souris. » ?
-« un petit malaise, je pense » ?
non je crois plus tôt que je me suis assoupi à force d’attendre.
D’ailleurs elle ne viendra plus ». 


D’un bon Félix est debout.
Il s’étire mollement ,quand un billet
entre les griffes attire son attention.
Bleu comme les plumes des oiseaux de nuit, il se surprend
à rêver à cet étrange ballet dans un musée.

Il regarde le petit bristol .
Il n’a pas rêvé !
mais laquelle choisir, toutes étaient si gracieuses, si félines.

Non vraiment il ne sait laquelle prendre.

"Non d’un chat, que ce défi 28 est difficile.

Mais combien plaisant" se dit-il en se léchant les babines

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27 septembre 2008

Nouvel An - Ondine

Ils en avaient rêvé pendant des années, chimère qui leur échappait constamment, faute de temps, d’argent, de conviction. De temps en temps, elle mettait dans le lecteur un disque et se laissait bercer par la musique. Les jours avaient chassé les nuits, tour à tour fastidieux ou fielleux, frisson subtil puis fossé profond entre deux êtres, deux vies. Un matin, sans crier gare, son cœur avait cessé de battre et elle s’était retrouvée seule, devant son visage flétri dans la glace, au vide qui l’avait envahie, aux illusions envolées.

 

Les premières semaines, les premiers mois, elle avait dansé un douloureux tango entre déni et rage puis avec conviction, elle avait fini par assimiler les pas d’une valse-hésitation qui la portait tantôt vers les regrets et tantôt vers les projets. En mesure avec la musique, son corps oscillait : un, deux, trois, un, deux, trois. Elle fermait les yeux et glissait, aérienne.

 

Un après-midi, elle s’était retrouvée dans une agence de voyage et avait réservé son billet, comme on retient sa respiration avant de plonger dans les eaux glacées. Huit jours, sept nuits, trois opéras de Mozart, présentés dans trois salles différentes. Un musicologue accompagnait le petit groupe, leur offrant au petit déjeuner causeries sur les lieux qu’ils visiteraient ou les œuvres qu’ils entendraient. À mi-parcours, le 31 décembre, ils passeraient quelques heures avec un professeur de danse qui leur inculquerait les bases de la valse viennoise et le soir, ils danseraient au Bal de l’Empereur. Elle en avait rêvé si longtemps…

Dès les premiers instants, elle avait été séduite par Vienne « la magique, la merveilleuse, l’éternelle », comme l’écrivait Hugo von Hofmannsthal. Chaque bâtiment semblait lui narrer une histoire : le Staatsoper, le Burgtheater, le Theater an der Wien, la maison de la musique, le Musée Léopold, le Musée du palais Liechtenstein. Un après-midi où elle explorait la ville seule, elle se retrouva Josefsplatz, son regard happé par la majesté de la Bibliothèque nationale autrichienne. Elle se rappela que le guide avait mentionné qu’on pouvait y retrouver une importante collection de livres en esperanto, une salle consacrée aux mappemondes, et d’autres où s’entassaient les manuscrits rares.

Elle poussa la porte et on lui remit un billet numéroté. Dans la salle des incunables, elle se révéla séduite aussi bien par le plafond et les murs ouvragés que par les livres précieux. Elle effleurait les titres du regard, n’osant y porter la main. Elle s’attardait près des globes terrestres quand elle entendit une étrange sonnerie insistante. Elle pensa un instant si quelqu’un avait déclenché par mégarde un détecteur d’incendie mais celle-ci se tut et qu’une voix joyeuse fit une annonce dont elle ne saisit que Willkomenn, meine Damen and meine Herren, million, Besucher et Heft. Elle jeta un regard interrogatif à l’un des employés, lui demandant ce qui se passait. Obligeamment, il lui expliqua : « Chère madame, nous accueillons aujourd’hui le millionième visiteur de notre bibliothèque et la direction de l’établissement offre au gagnant la possibilité de repartir avec un des objets faisant partie de nos collections. »

Complètement ahurie par l’énormité de la proposition, elle lui demanda de répéter.

 Et le numéro gagnant, c’est lequel?

Il réfléchit un instant avant de traduire.

 1791. Qui sait? C’est peut-être vous?

Elle se mit à fouiller dans la poche de son manteau avec fébrilité.

 Je n’y crois pas. Vous êtes certain du numéro?

Il lui sourit un instant et la prit par le bras pour la mener au bureau du conservateur en chef.

 Bienvenue chez nous, chère madame. Prenez quelques instants pour vous asseoir. Pouvons-nous vous offrir un rafraîchissement?

 Non, merci, ça ira je pense, réussit-elle à balbutier.

 Alors, dites-moi, quelle pièce unique de nos collections souhaitez-vous faire vôtre?

Elle réfléchit un instant, un seul. Elle savait exactement ce qu’elle demanderait. Tout à l’heure, quand elle l’avait aperçu, elle avait cru que ses yeux lui jouaient un tour pendable. Elle s’était approchée de la vitre et l’avait longuement fixé. Le papier était jauni, traversé par des barres de mesure plus ou moins alignées. Le premier t du tutti ressemblait plutôt à un j tandis que les deux autres étaient bousculés d’un même geste. Sous la portée des basses, la première syllabe se détachait, forte, fiévreuse, farouche. Re… comme , réaliser, réagir, réfuter, révolte, répulsion, rédemption, requiem. Elle avait entendu l’orchestre gronder, l’énoncé repris en contrepoint par les autres voix. Elle s’était laissé traverser par l’unique souhait d’un Mozart rejeté par son milieu, les têtes couronnées qui l’avaient gentiment fait sauter sur leurs genoux jadis, un simple homme qui trouve le poids du génie si lourd à porter : « Exaudi orationem meam… exauce ma prière. » Devant la mort, il avait ressenti la même urgence que devant la vie, une impatience teintée de tendresse, une fureur de vivre mâtinée de sérénité, la peur se muant en grandeur, la solitude tendant vers la plénitude. Ces pages, elle les avaient laissées couler en elle des centaines de fois après la mort de son mari, joignant sa voix à celles des choristes, fondant sa souffrance dans le vibrato des violoncelles, dans le délié des lignes mélodiques.

Le conservateur écouta sa requête avec attention et demanda qu’on apportât le manuscrit. Quand elle posa la main sur le précieux papier, elle sentit les larmes couler sur ses joues flétries. Une de celles-ci se nicha dans le bas de la partition, y traçant une coulée plus pâle. Elle déposa le manuscrit et laissa enfin libre cours à sa douleur, trop longtemps réprimée.

Elle ferma les yeux et se concentra sur la ligne mélodique de la dernière page jamais ébauchée par Mozart. « Lacrimosa dies illaJour de larmes, ce jour-là. » Quand elle les rouvrit, elle était dans sa chaise berçante. Le séjour était plongé dans la pénombre. Elle se leva lentement et alluma le lecteur. Demain, elle demanderait à sa fille de lui acheter un billet pour Vienne.

27 septembre 2008

Emotion - Veron

Matière .

Brocard précieux et imposant .

Étoffe d’un autre monde , des temps futurs .

 

 Facettes.

 Poids de la multitude . Force des traditions.

 

Zoom .

Inévitables révélations.

Aluminium à prix d’or cousu au fil cuivré .

 

Oublier.

Recyclage, chiffres, mise en œuvre….Peu importe .

 

Admirer l’ œuvre.

Garder l’émotion.

 

 

Dusasa I par EL Anatsui

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27 septembre 2008

Mon cher 'Toi' - MAP

Au musée des vitraux

je prends ce « bec à bec »

provenant du Québec

pour t’en faire cadeau …

 

Notre amour des oiseaux,

-libres et sans volière-

dans la nature entière

m’a guidée … sans appeau !

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Mais surtout, mon cher « Toi »

c’est pour nous rappeler

notre premier baiser

…………

d’il était une fois !

 

Au musée des vitraux

je prends ce « bec à bec »

provenant du Québec

pour t’en faire cadeau …

27 septembre 2008

The Art Burglar au Des Moines Art Center - Joye

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Sur la pointe des pieds

J’entre dans la collection permanente

Je faufile devant le Matisse

Dame à la robe blanche ?

Mouais

Bof

 

 

J’admire le lézard au mur

J’hésite devant les soldats

Tous ces corps

Tu peux t’approcher d’eux

Sans risque

Tu peux voir qu’ils sont faits

Des pansements

 

Le Untitled par Eva Hesse ?

Ouais bof

J’ai des lacets chez moi

Que je peux laisser défaits…

 

automat


Automat par Hopper ?

Oui, c’est une douce tentation

Et encore, une O’Keefe

Mais c’est même pas une fleur

Alors, encore,

Mouais, ouais, bof

 

 

Je retiens mon souffle…

Bill Viola, Ascension ?

 

viola

 

Ouiiiiiii, ce film que je passe en boucle

Le gars qui plonge dans l’eau

Il coule

Son corps devient

Une tête de mort

Et il ne revient pas

Même quand j’attends

Et j’attends et j’attends

 

pope

Alors, non, je file, je cours, je glisse, je m’insinue

Vers le Francis Bacon

Lard pour lard, comme on dit

Study After Velázquez’s Portrait of Pope Innocent X

1953

Un bon millésime

Et hop !

Dans mon sac, c’est parti.

27 septembre 2008

Samedi au musée (Adi)

« Samedi soir devant la télé… ça craint… bouge toi, on se retrouve à Châtelet dans une demie heure ! » Et elle a raccroché.

Me voilà partie pour passer la soirée avec Isa. Je ne sais pas où ; je ne sais pas pour quoi faire mais j’y vais, de toute façon ça peut pas être pire que de regarder une merde à la télé.

Châtelet. 19h50.

« On va dans le musée des qualités et des défauts, il s’appelle Les faits Plassé Beau ». Ben voyons, c’est quoi ça encore ?

Isa s’explique : « c’est un nouveau genre de musée, c’est dans une cave derrière le BHV, tu verras c’est sympa, y a des photos, des films, des peintures… les œuvres d’art sont les qualités et défauts eux mêmes, mais surtout leur représentation… et en plus tu peux gagner quelque chose il parait! ».

Pas convaincue, mais alors pas convaincue du tout !

Nous voilà parties, bras dessus bras dessous pour cette cave.

Je connais un peu ces caves aménagées dans ce quartier là : je n’en ai que de bons souvenirs. Par contre le concept musée dans une cave… ça m’intriguait un peu. Et puis cette idée de musée de qualités… bizarre…

Une fois l’entrée payée, j’ai suivi Isa dans la première salle. Nous étions bien dans une cave, quarante marches descendues, plafond vouté, pas de fenêtres.

Tous les visiteurs de la soirée étaient réunis, un homme – celui qui nous avait vendu nos billets – a commencé à nous expliquer que nos billets portaient un numéro et qu’un tirage au sort aurait lieu après la visite des salles. Il nous a ensuite invité à commencer la visite.

Ce que nous avons fait.

Magnifique. C’est le mot qui résume ce musée : chaque qualité, chaque défaut était illustré par une image figée – une photo ou une peinture – ou par un film… Ainsi la générosité était représentée par la peinture d’un enfant tendant son jouet à un autre, la solidarité était imagée grâce à une photo d’une femme en train de donner son sang. Côté défaut l’indifférence était personnifiée par la vidéo une jeune femme très bien habillée – bon chic bon genre – passant devant un mendiant et détournant son regard de lui lorsqu’elle le croisait.

D’un point de vue artistique j’ai trouvé la visite intéressante. Certaines photos ou vidéos nous ont bien fait rire, Isa et moi.

Nous avions fini notre visite.

« Et le tirage au sort alors ? »

« Patience » rétorqua Isa…

« Tu sais bien que j’en ai pas… »

Nous étions à nouveau tous réunit dans la première salle. L’homme du début était revenu : il allait annoncer le numéro gagnant.

« Le 2812 ».

Isa me regarde l’air de dire « C’est toi ? ». Et moi, je lui réponds d’un grand sourire signifiant « Oui c’est moi ».

J’avais gagné. Quoi je n’en savais rien. Mais j’avais gagné !

L’homme du musée est ensuite venu me voir pour vérifier que j’avais bien le billet gagnant. J’attendais qu’il me dise ce que j’avais gagné. Mais rien. Il m’a dit simplement dit « Attendez là que tout le monde soit parti ».

J’expliquai ça à Isa, qui proposait de m’attendre à la sortie.

Voilà qu’enfin l’homme me révélait mon gain : « Vous n’allez pas y croire, mais tentez l’expérience. Je vous propose d’échanger une de vos qualités ou l’un de vos défauts contre soit une qualité soit un défaut ».

Je souriais, non de contentement, mais plutôt en pensant qu’on se foutait ouvertement de moi.

« Et comment je procède ? Je fais une prière ? », ironisai je.

« Je vois bien que vous n’y croyez pas, mais allez y, essayez ! Pour ceci il vous suffit de décrocher l’illustration correspond à la qualité ou au défaut que vous souhaitez voir disparaître, vous placerez ensuite votre photo – si vous n’en avez pas mettez votre pièce d’identité – à côté de la qualité ou du défaut que vous souhaitez avoir. Ensuite revenez me voir ».

Je ne savais pas quoi faire : me ridiculiser en faisant ce qu’il m’avait dit ou ne rien faire ?

Finalement, je n’avais rien à perdre. Je suis allée décrocher « Râlerie intempestive », et j’ai mis ma carte d’identité à côté de « Patience ».

Je revenais voir l’homme. Il souriait « Vous avez fait un bon choix, vous pouvez aller reprendre votre carte, la sortie est par là, à bientôt mademoiselle ».

J’osai raconter tout cela à Isa. Je pensais qu’elle aurait ri, et m’aurait dit que j’avais été bien bête de croire à tout ça et au lieu de ça elle a dit « Pourquoi tu as fait ces choix là ? ».

« Tu sais… Je sais que je râle beaucoup, tout le temps et pour rien, alors si je peux me défaire de ça, j’en serai contente. J’ai bien essayé de prendre sur moi, de me forcer à ne pas râler mais c’est plus fort que moi. Et puis la patience, c’est quelque chose que j’envie chez certaines personnes. Pouvoir vivre sereinement l’attente. Ca serait bien. Enfin… c’est des bêtises tout ça. N’y pensons plus ».

Je ne voulais pas y croire, mais qui sait, qu’avais-je à perdre à y croire ? Et le musée s’appelait bien Les faits Plassé Beau ; si pour une fois il pouvait faire effet ce placebo, ça m’arrangerait…

27 septembre 2008

L’amour de l’art (Poupoune)


- Vous êtes sûre ?

- Oui.

- Mais... euh... comment dire...

- Je le veux.

- Vous savez, vous avez réellement gagné. Ce n'est pas une plaisanterie ! Vous pouvez vraiment choisir n'importe laquelle de toutes les œuvres exposées ici. Sans rire !

- C'est ça que je veux.

- Vous savez... enfin... sans vouloir vous inciter à tous les excès, sachez quand-même que vous pourriez repartir avec la Vénus de Milo ou le Radeau de la méduse…

- Vous croyez vraiment que des trucs pareils tiendraient dans mon salon ?

- Oh ! Je disais ça comme ça, c’était juste des exemples… Mais vous pourriez choisir quelque chose de plus raisonnable… je ne sais pas… un petit Vermeer par exemple ?

- Je croyais que je pouvais prendre ce que je voulais ?!

- Oui… oui. Bien sur. Mais là… c’est-à-dire qu’il faudrait que je voie avec la sécurité… Vous ne voulez pas une statuette égyptienne ?

- Bon, écoutez : j’ai payé 1 247 fois mon entrée, dans l’espoir d’avoir le ticket gagnant et de pouvoir éviter que le premier abruti venu ne décide de priver l’humanité d’une œuvre majeure en l’accrochant entre les photos du rejeton et le chien en canevas dans son salon, alors arrêtez de m’emmerder et donnez-moi ce satané extincteur avant que je ne change d’avis et que je ne vous dépouille de la Joconde !

27 septembre 2008

Défi de Lou

« Dis grand-père, c’est quoi la pièce en fer qu’il y a dans la vitrine de ta chambre ? »

.

- Oh, ce n’est pas n’importe quelle pièce ; c’est une très vieille pièce ; elle vient de Chine. Elle a une très grande valeur ; à mes yeux elle est encore plus que ça…

.

« Oh racontes moi papy, dis moi…c’est quoi cette pièce ? »

.

- Tu sais c’était il y a maintenant bien longtemps et je m’en souviens comme si c’était hier : Je n’ai jamais beaucoup fréquenté les musées ou autres lieux culturels mais par contre j’ai toujours aimé la culture asiatique. Il se trouvait qu’en 2008, il y avait une exposition à Paris, à la Pinacothèque, sur l’armée de soldats du premier empereur de Chine.

.

Je n’ai jamais beaucoup aimé prendre les transports en commun mais pour y aller, il me fallait les utiliser ; pourtant je ne sais pas pourquoi, cette exposition m’attirait. Ni une ni deux, me voilà dans ces métros puants pour me rendre du côté de La Madeleine pour trouver cette fameuse Pinacothèque.

.

L’exposition se situait dans un lieu plutôt petit, je voyais ça bien plus grand ; mais dès l’entrée dans la salle, je fus de suite subjugué par des soldats faits en terre cuite qui semblaient tout droit sortis de l’histoire… je ne faisais qu’à peine attention aux autre visiteurs qui s’empressaient autour de ces statues. De plus, lorsque je payais mon entrée, on m’annonça que puisque j’étais le 10 000ème visiteur, j’aurai droit à une surprise…Moi qui n’ai pas une chance exceptionnelle, je me retrouvais au milieu de cette histoire asiatique l’esprit en ébullition, me demandant quelle serait cette surprise, et les yeux comme ceux que tu fais lorsque tu t’arrêtes devant quelque chose qui te plait…

Toute l’exposition présentait non seulement les fameux soldats de terre, mais aussi tout ce qui entourait cette grande civilisation qui donna naissance à la Chine. On pouvait y admirer l’art de cette époque, art particulièrement mis en évidence dans tout ce qui avait trait au culte des ancêtres par exemple.

.

Aussi, d’espace en espace, de vitrines en vitrines, j’absorbais avidement tout ce que je pouvais apprendre sur ces civilisations qui me fascinaient.

.

« Oui papy ; mais la pièce, c’est quoi la pièce ? »

.

- J’y viens mon petit … Cette pièce est une pièce de monnaie ; oui, tu as bien entendu. Et c’est cette pièce que j’ai choisie comme cadeau, car en fait la surprise qui m’était réservée était de pouvoir choisir parmi les éléments exposés à la Pinacothèque…

.

« Mais elle est moche ta pièce papy ; elle est toute vieille et toute moche.. »

.

- C’est vrai qu’elle est très vieille, et très laide ; elle ne ressemble pas à ces pièces d’aujourd’hui ; mais je vais te dire pourquoi j’ai choisi cette pièce plutôt que tout autre objet : Lorsque je regardais les nombreuses vitrines, j’ai pu contempler certaines pièces de musée très ouvragées, d’autres plutôt grossièrement travaillées ; mais qu’importait, j’avais devant mes yeux des siècles d’histoire et rien que cela faisait prendre à toute cette collection un aspect presque irréel mais de toute beauté.

.

Pourtant, alors que je restais en admiration devant un vieux moule qui servit à fabriquer cette fameuse pièce, de l’autre côté de la vitrine, l’espace d’un court instant, il me sembla apercevoir deux yeux qui croisèrent mon regard. Plus que de les voir, je ressentis leur présence…tout d’abord mal à l’aise (je pensais avoir rêvé, emporté comme je l’étais par ce tourbillon d’histoire), je restais un peu plus à admirer cette pièce que tu as vu dans ma vitrine. Et cette fois, je me rendis compte que je n’avais pas rêvé : ces yeux regardaient la même chose que moi mais croisaient mon regard aussi subrepticement que je pouvais le faire de mon côté.

.

Dans la pénombre de l’exposition et malgré les quelques reflets dans la vitrine, je pouvais voir à quel point ce regard était clair et beau ; je n’ai jamais vu des yeux d’une telle intensité, ce genre de regard qui semble sonder jusqu’à l’âme tout en offrant une compréhension presque palpable…

.

«  Ça veut dire quoi tout ça papy ; c’était quoi ces yeux ? »

.

- Et bien, mon petit, ce regard est celui de la personne qui éclipsa jusqu’aux bijoux d’émeraudes exposés ce jour là ; ces yeux sont ceux de la personne qui fut pour moi comme une renaissance ; ces yeux mon petit, sont ceux de ta grand-mère ; et ces regards échangés à la Pinacothèque furent les premiers que nous échangeâmes.

Depuis ce jour où nos vies se sont croisées au travers de cette vitrine où trônait cette petite pièce, nous ne nous sommes plus quittés. Voilà pourquoi j’ai choisi cette pièce, mon enfant ; parce qu’elle a traversé les siècles pour me faire rencontrer ta grand-mère.

.

« Elle est belle papy ta pièce……… »

.

Plus tard, j’aimerai pouvoir être ce grand-père….

.

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Le défi du samedi
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